lundi 25 mai 2015

Léonor de Récondo "Amours"


Gros coup de cœur !

Amours au pluriel. Voici un titre bien énigmatique pour qui ouvre ce roman et en commence la lecture. 

1908. Déjà cinq ans que Victoire est mariée à Anselme, notaire à Saint Ferreux-sur-Cher. Leur mariage ne respire pas la joie et le bonheur. Aucun enfant n'est né de leur union, ce qui fait jaser dans le bourg. Victoire n'a pas choisi d'épouser Anselme, c'est sa mère qui a répondu pour elle à une annonce d'Anselme, alors veuf, publiée dans Le Chasseur français. La jeune femme au caractère changeant se montre tantôt douce, tantôt froide et distante avec son mari, lequel se console régulièrement dans les bras de Céleste, la jeune bonne de la maison. Arrive ce qui doit arriver, Céleste est enceinte. Victoire découvrant la grossesse de Céleste et comprenant qui est le père décide de dissimuler le ventre arrondi de sa bonne et d'annoncer à leur entourage qu'elle va bientôt être mère. Quelques mois plus tard, Adrien naît, il est tout de suite retiré à sa mère et confié à Victoire.

Léonor de Récondo nous emmène dans une intimité qui dévoile la beauté et la magnificence du charnel et révèle l'amour aux personnages féminins du roman à qui tout avait été refusé jusqu'alors.

"Huguette, saisie par la beauté de cette musique, reste sur le pas de la porte avec son plateau. Elle écoute et, surtout, elle remarque la gravité du visage de Victoire, complètement absorbée par la délicatesse avec laquelle les notes sortent de ses mains. Poser doucement la pulpe de ses doigts sur la touche, appuyer juste ce qu'il faut pour en avoir l'âme blessée. Juste assez pour, en plein jour et à l'intérieur de soi, ouvrir la porte de la chambre de Céleste, assez pour écouter le piano égrener leur histoire, les devancer assez pour s'émouvoir d'avoir une âme sensible, une âme qu'elle découvre à peine. Se laisser porter par le flots des triolets. Ces notes enfermées dans une partition depuis de si longues années et qui, aujourd'hui, la révèlent profondément."

Autre titre du même auteur à retrouver sur ce blog : Pietra viva

dimanche 24 mai 2015

Daniel Keyes "Les mille et une vies de Billy Milligan"





 Livre fascinant dans lequel Daniel Keyes dresse le portrait de William Milligan arrêté fin des années 70, alors âgé d'une vingtaine d'années, pour vols, séquestrations et viols sur trois à quatre jeunes femmes. Face aux policiers, il nie avoir commis ces crimes. Très vite, il fait l'objet d'une expertise psychiatrique. William dit "Billy" est habité par vingt-quatre personnalités de sexe, d'âge et de caractère différents. Cette histoire n'est pas une fiction, Billy Milligan a réellement existé.

Dans sa préface, l'auteur annonce que son ouvrage se veut très factuel afin de répondre en toute objectivité à la question que tout le monde se pose : est-ce que Billy est vraiment habité par ses vingt-quatre personnalités ou joue-t-il la comédie pour ne pas être tenu responsable de ses crimes ? Au fil des pages, on se rend compte que Keyes est clairement en faveur de la première réponse. 
Les changements de personnalité de Billy sont très impressionnants, Billy est tout à tour David, jeune enfant vulnérable puis Ragen, homme agressif à l'accent yougoslave aguerri au combat et aux armes puis Arthur douée d'une intelligence hors du commun ayant développer des connaissances dans le domaine de la médecine. Billy a crée toute une organisation autour de ses "habitants", les différentes personnalités apparaissent à des moments opportuns en fonction de leurs compétences dans tel ou tel domaine, il y a aussi les indésirables qui ne prennent pas le projecteur, c'est-à-dire la conscience.

Plongée dans l'univers psychiatrique, Les mille et une vies de Billy Milligan est un livre très marquant qui ne laisse pas indifférent. 
Autre titre du même auteur Des fleurs pour Algernon à retrouver dans ce blog. 

Daniel Keyes a écrit Les mille et une guerres de Billy Milligan qui parle de la prise en charge psychiatrique de Billy.


Elise Fontenaille-N'Diaye "Blue book"


Blue book dévoile un pan méconnu de l'histoire : le premier génocide du XXe siècle orchestré par l'Allemagne dans l'actuelle Namibie. Les allemands décident de s'emparer des territoires des Namas et des Hereros implantés sur ces terres depuis des siècles. Ces peuples vont résister à l'invasion allemande en refusant de signer les traités cédant leurs terres et en s'opposant à l'oppression quotidienne des membres de leurs communautés. La résistance va finir dans un bain de sang : génocide, camps de concentration, viols, tortures, comme une répétition générale de la Shoah. 

Le Blue book est un recueil de témoignages des survivants écrit par Thomas O'Reilly, un jeune major britannique installé en Namibie en 1917. Tous les exemplaires du livre recouvert d'une toile bleue ont été détruits afin de dissimuler l'horreur, seul un exemplaire a été sauvé. Une nuit, en faisant des recherches sur Internet, Elise Fontenaille est tombée sur une version numérisée du Blue book, elle a choisi de reprendre son titre pour parler de ce génocide, son point de vue n'est pas celui d'une historienne mais celui d'une écrivaine bouleversée qui décide de faire connaître ce massacre.

Livre poignant à lire absolument.

Cet écrit prend la forme d'un récit. Elise Fontenaille a également publié un roman sur ce génocide : Eben ou les yeux de la nuit 



vendredi 8 mai 2015

Léonor de Récondo "Pietra viva"


1505. Michelangelo quitte Rome pour Carrare afin de choisir les marbres du tombeau qu'il doit sculpter pour le pape Jules II. C'est en homme solitaire, renfermé, en proie à ses démons intérieurs qu'il retourne à la terre des carriers, sa terre natale.  Au fil de son séjour, il se laisse approcher par différentes personnalités du village, Cavallino le fou qui se prend pour un cheval mais surtout Michele, enfant orphelin de mère dont l'innocence, la fragilité et l'affection finiront par briser la muraille que Michelangelo a dressé tout autour de lui.

A la manière du sculpteur travaillant inlassablement la pierre, on trouve dans l'écriture de Léonor de Récondo une exigence et une précision qui ne laissent rien au hasard. Plus roman initiatique qu'historique, Pietra viva est une histoire poétique au souffle puissant

"Le sculpteur, aux mains douées d'un rare pouvoir, n'est pas dupe et se plaît à dire à ses semblables : "Ne regardez pas mon visage, il est laid. Regardez plutôt mes mains ! Elles sont si puissantes qu'elles façonnent la réalité, qu'elles donnent vie à la pierre. Dans le sillon creusé par mon ciseau, les veines du marbres se gorgent de sang.""