dimanche 27 décembre 2015

Agnès Desarthe "Ce coeur changeant"




Rose grandit entre un père stoïque qui doute en permanence de tout et une mère froide et distante, elle compense son manque d'amour auprès de sa nounou. 1909, Rose a 20 ans, elle quitte son milieu bourgeois favorisé en quête d'une vie nouvelle à Paris alternant déchéances à la manière d'un roman de Zola et ascensions pendant les années folles. 
Tout dans ce roman est contrasté, les personnages ne sont ni bons ni mauvais, ils sont très justement humains, Agnès Desarthe sait mettre en avant leurs sentiments les plus nobles comme leurs pires perversités. Le propos se veut très féministe, la liberté est la clé de voute. L'auteur parle de la filiation en montrant toute l'ambiguïté d'une mère face à sa fille.
Magnifique roman. 

 


Pénélope Bagieu "California Dreamin' "


Pénélope Bagieu retrace le parcours étonnant de "Mama Cass", la chanteuse du groupe The mamas & the papas. Très jeune, elle abandonne ses études pour devenir chanteuse, personne ne croit en elle sauf son père qui l'encourage dans cette voie. Mama Cass, alias Ellen Naomi Cohen dans la vie, est confrontée aux diktats de la musique, qui dès les années 60 lui renvoient ses kilos en trop. 
A force de volonté et d'obstination, Ellen enfonce toutes les portes et parvient à trouver la reconnaissance. Une ascension difficile puis fulgurante dès la signature avec un label pour le très célèbre "California Dreamin' ", titre pour lequel Mama Cass a l'idée de reprendre les phrases du refrain en chœur. Elle décède quelques années plus tard d'une crise cardiaque à 32 ans. 
California Dreamin' c'est l'histoire chaotique d'un groupe sexe drogue & rock n' roll porté par une voix, celle de Mama Cass.





samedi 8 août 2015

Ivan Repila "Le Puits"


Souvent considéré à tort comme des histoires réservées aux enfants, parce qu'ils les mettent en scène, les contes décrivent la cruauté, la brutalité et la violence de l'homme. Le Puits en est l'illustration parfaite. 

Deux enfants, ils sont frères, ils n'ont pas de noms. Le Petit et le Grand sont prisonniers d'un puits de terre au milieu d'une forêt sans perspective de secours. Sept mètres les séparent de la vie, leur lente agonie commence. Ils tentent de survivre, en luttant contre la faim, la soif, la peur, la folie, le froid, la haine, l'amour. Si le dénouement est annoncé avant la fin (elle n'en demeure pas moins bouleversante), l'intrigue repose sur la question : comment ces deux enfants sont-ils tombés dans le puits ? Était-ce un accident ? Quelqu'un de malveillant les y a-t-il poussés ? 
Une tension extrême se dégage de ce huis-clos où l'auteur fait osciller le lecteur entre dualité et amour fraternel, entre tristesse et espoir.

Ce premier roman de Yvan Repila fait l'effet d'un électrochoc, il secoue, vous traverse de part en part et vous laisse étourdi. 

mercredi 22 juillet 2015

Lupano & Panaccione "Un océan d'amour"



Un petit marin tout sec et sa grande et corpulente femme bretonne s'aiment d'un amour tendre. Au p'tit matin, notre marin prend la mer, sa femme lui donne, comme à l'accoutumée, son lot de sardines à l'huile qu'en bon pêcheur il déteste mais, sait-on jamais, ça peut servir... !

En mer, il manque de percuter de plein fouet un cargo pétrolier, sa petite embarcation se trouve prise dans les filets du géant, c'est là que démarre toute une succession de problèmes et de rencontres plus ou moins inattendues...

BD sans texte à la fois attendrissante et drôlissime, Un océan d'amour est à découvrir de toute urgence !

mardi 21 juillet 2015

Catherine Meurisse "Moderne Olympia"



Mélangez des tableaux du musée d'Orsay, des plateaux de tournage, Roméo & Juliette et vous obtenez une BD totalement déjantée dont l'héroïne est l'Olympia de Manet qui est totalement nue et le reste tout au long de cette histoire !



Olympia court désespérément de casting en casting dans le but d'obtenir un premier rôle, mais elle est une "refusée" (clin d’œil au salon des refusés dont Manet fut l'un des initiateurs). Sur un tournage, elle a la mauvaise idée de tomber amoureuse de Romain un "officiel", c'est sans compter sur Vénus, la grande star des plateaux accompagnée de ses trois cupidons qui a déjà la main mise sur le dit-Romain... 

Moderne Olympia est bourré de références et parsemé de tableaux du musée dont les références (titre, peintre, année, technique) sont citées en fin d'ouvrage, rigolade assurée toutes les deux cases, extra ! 





lundi 25 mai 2015

Léonor de Récondo "Amours"


Gros coup de cœur !

Amours au pluriel. Voici un titre bien énigmatique pour qui ouvre ce roman et en commence la lecture. 

1908. Déjà cinq ans que Victoire est mariée à Anselme, notaire à Saint Ferreux-sur-Cher. Leur mariage ne respire pas la joie et le bonheur. Aucun enfant n'est né de leur union, ce qui fait jaser dans le bourg. Victoire n'a pas choisi d'épouser Anselme, c'est sa mère qui a répondu pour elle à une annonce d'Anselme, alors veuf, publiée dans Le Chasseur français. La jeune femme au caractère changeant se montre tantôt douce, tantôt froide et distante avec son mari, lequel se console régulièrement dans les bras de Céleste, la jeune bonne de la maison. Arrive ce qui doit arriver, Céleste est enceinte. Victoire découvrant la grossesse de Céleste et comprenant qui est le père décide de dissimuler le ventre arrondi de sa bonne et d'annoncer à leur entourage qu'elle va bientôt être mère. Quelques mois plus tard, Adrien naît, il est tout de suite retiré à sa mère et confié à Victoire.

Léonor de Récondo nous emmène dans une intimité qui dévoile la beauté et la magnificence du charnel et révèle l'amour aux personnages féminins du roman à qui tout avait été refusé jusqu'alors.

"Huguette, saisie par la beauté de cette musique, reste sur le pas de la porte avec son plateau. Elle écoute et, surtout, elle remarque la gravité du visage de Victoire, complètement absorbée par la délicatesse avec laquelle les notes sortent de ses mains. Poser doucement la pulpe de ses doigts sur la touche, appuyer juste ce qu'il faut pour en avoir l'âme blessée. Juste assez pour, en plein jour et à l'intérieur de soi, ouvrir la porte de la chambre de Céleste, assez pour écouter le piano égrener leur histoire, les devancer assez pour s'émouvoir d'avoir une âme sensible, une âme qu'elle découvre à peine. Se laisser porter par le flots des triolets. Ces notes enfermées dans une partition depuis de si longues années et qui, aujourd'hui, la révèlent profondément."

Autre titre du même auteur à retrouver sur ce blog : Pietra viva

dimanche 24 mai 2015

Daniel Keyes "Les mille et une vies de Billy Milligan"





 Livre fascinant dans lequel Daniel Keyes dresse le portrait de William Milligan arrêté fin des années 70, alors âgé d'une vingtaine d'années, pour vols, séquestrations et viols sur trois à quatre jeunes femmes. Face aux policiers, il nie avoir commis ces crimes. Très vite, il fait l'objet d'une expertise psychiatrique. William dit "Billy" est habité par vingt-quatre personnalités de sexe, d'âge et de caractère différents. Cette histoire n'est pas une fiction, Billy Milligan a réellement existé.

Dans sa préface, l'auteur annonce que son ouvrage se veut très factuel afin de répondre en toute objectivité à la question que tout le monde se pose : est-ce que Billy est vraiment habité par ses vingt-quatre personnalités ou joue-t-il la comédie pour ne pas être tenu responsable de ses crimes ? Au fil des pages, on se rend compte que Keyes est clairement en faveur de la première réponse. 
Les changements de personnalité de Billy sont très impressionnants, Billy est tout à tour David, jeune enfant vulnérable puis Ragen, homme agressif à l'accent yougoslave aguerri au combat et aux armes puis Arthur douée d'une intelligence hors du commun ayant développer des connaissances dans le domaine de la médecine. Billy a crée toute une organisation autour de ses "habitants", les différentes personnalités apparaissent à des moments opportuns en fonction de leurs compétences dans tel ou tel domaine, il y a aussi les indésirables qui ne prennent pas le projecteur, c'est-à-dire la conscience.

Plongée dans l'univers psychiatrique, Les mille et une vies de Billy Milligan est un livre très marquant qui ne laisse pas indifférent. 
Autre titre du même auteur Des fleurs pour Algernon à retrouver dans ce blog. 

Daniel Keyes a écrit Les mille et une guerres de Billy Milligan qui parle de la prise en charge psychiatrique de Billy.


Elise Fontenaille-N'Diaye "Blue book"


Blue book dévoile un pan méconnu de l'histoire : le premier génocide du XXe siècle orchestré par l'Allemagne dans l'actuelle Namibie. Les allemands décident de s'emparer des territoires des Namas et des Hereros implantés sur ces terres depuis des siècles. Ces peuples vont résister à l'invasion allemande en refusant de signer les traités cédant leurs terres et en s'opposant à l'oppression quotidienne des membres de leurs communautés. La résistance va finir dans un bain de sang : génocide, camps de concentration, viols, tortures, comme une répétition générale de la Shoah. 

Le Blue book est un recueil de témoignages des survivants écrit par Thomas O'Reilly, un jeune major britannique installé en Namibie en 1917. Tous les exemplaires du livre recouvert d'une toile bleue ont été détruits afin de dissimuler l'horreur, seul un exemplaire a été sauvé. Une nuit, en faisant des recherches sur Internet, Elise Fontenaille est tombée sur une version numérisée du Blue book, elle a choisi de reprendre son titre pour parler de ce génocide, son point de vue n'est pas celui d'une historienne mais celui d'une écrivaine bouleversée qui décide de faire connaître ce massacre.

Livre poignant à lire absolument.

Cet écrit prend la forme d'un récit. Elise Fontenaille a également publié un roman sur ce génocide : Eben ou les yeux de la nuit 



vendredi 8 mai 2015

Léonor de Récondo "Pietra viva"


1505. Michelangelo quitte Rome pour Carrare afin de choisir les marbres du tombeau qu'il doit sculpter pour le pape Jules II. C'est en homme solitaire, renfermé, en proie à ses démons intérieurs qu'il retourne à la terre des carriers, sa terre natale.  Au fil de son séjour, il se laisse approcher par différentes personnalités du village, Cavallino le fou qui se prend pour un cheval mais surtout Michele, enfant orphelin de mère dont l'innocence, la fragilité et l'affection finiront par briser la muraille que Michelangelo a dressé tout autour de lui.

A la manière du sculpteur travaillant inlassablement la pierre, on trouve dans l'écriture de Léonor de Récondo une exigence et une précision qui ne laissent rien au hasard. Plus roman initiatique qu'historique, Pietra viva est une histoire poétique au souffle puissant

"Le sculpteur, aux mains douées d'un rare pouvoir, n'est pas dupe et se plaît à dire à ses semblables : "Ne regardez pas mon visage, il est laid. Regardez plutôt mes mains ! Elles sont si puissantes qu'elles façonnent la réalité, qu'elles donnent vie à la pierre. Dans le sillon creusé par mon ciseau, les veines du marbres se gorgent de sang.""

samedi 14 mars 2015

Yuichi Kasano "Tu nous emmènes ?"


Une nouvelle histoire adorable de l'auteur japonais Yuichi Kasano déjà cité dans ce blog avec le titre Bloub bloub bloub

Un pilote d'avion et un petit garçon ont achevé la construction de leur avion. Au moment du décollage, le chien veut se joindre au vol alors "Tap tap tap tap tap tap", le pilote lui bricole une niche, puis c'est au tour de maman cochon et ses petits "Emmenez-nous !", "Tap tap ! Paf ! Clong ! Voici un abri pour la famille cochon et ainsi de suite... Mais une fois tout le monde installé, l'avion arrivera-t-il à décoller ?


jeudi 22 janvier 2015

Anne Percin "Les singuliers"


Anne Percin est a écrit deux romans publiés dans la collection La Brune au Rouergue. Elle est également auteur pour le jeunesse, notamment de la trilogie très drôle Comment bien rater ses vacances, à conseiller à des ados.

Les Singuliers est un roman épistolaire où l'on découvre la correspondance entre Hugo Boch et son entourage, notamment Hazel sa cousine et Tobias son meilleur ami d'enfance, tous trois, rapins, issus de la bourgeoisie belge de la fin du XIXe siècle.

Le père de Hugo est à la tête des faïences Villeroy & Boch. Hugo part à Pont-Aven rejoindre la communauté de peintres qui y réside, véritable acte de rébellion vis-à-vis de son père qui le destinait aux arts décoratifs pour devenir peintre sur faïence dans l'entreprise familiale.
Hazel est élève à l'académie Jullian à Paris. Au fil de ses lettres, on découvre ses revendications féministes très avant-gardistes.

La correspondance de ces jeunes gens rend compte d'une époque qui connaît de grands bouleversements : la grève des ouvriers pendant la construction de la Tour Eiffel en vue de l'exposition universelle de 1889, les meurtres à Londres commis par Jack l'éventreur, la grippe qui sévit en Europe à l'hiver 1890-1891.
On plonge dans le milieu artistique bouillonnant de l'époque à travers des personnages fictifs et réels comme Van Gogh et Gauguin auxquels Anne Percin rend un bel hommage. On apprend quelques anecdotes : saviez-vous que Gauguin, avant d'être le peintre que l'on connaît fut banquier et marin ? 
Ces échanges de lettres amènent une vraie réflexion sur la peinture : les sujets choisis, la nudité, la place des femmes, la reconnaissance par ses pairs.

Hugo, Hazel et Tobias sont singuliers dans leur émancipation, dans leur point de vue sur l'art. Ils veulent affirmer un style nouveau, se détacher de l'académisme, des impressionnistes, "ils sont de cette avant-garde qui veut peindre autrement, voir autrement et vivre autrement". Anne Percin dresse le portrait d'une jeunesse fougueuse en proie à ses doutes, intemporelle et universelle.